Vomissements de L’enfant

VOMISSEMENTS DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT

Les vomissements sont définis par le rejet du contenu gastrique ou intestinal par la bouche, s’accompagnant de contractions musculaires abdominales. Ils sont le plus souvent banals. Ils réclament cependant une démarche diagnostique rigoureuse, car ils peuvent être source de complications ou avoir une signification grave.
Ils doivent être différenciés :
  des régurgitations : définies par des rejets par la bouche de petites quantités de lait ou de liquide gastrique, qui accompagnent parfois l’éructation physiologique chez le petit nourrisson, généralement en rapport avec l’existence d’un reflux gastro-oesophagien ;
  du mérycisme : remontée volontaire ou automatique d’aliments dans la bouche (rumination) suivie de leur redéglutition. Il s’agît d’un symptôme rare, conséquence d’un trouble grave du comportement.

1- ENQUETE CLINIQUE
Outre un examen clinique complet avec mesure du poids, de la taille et du périmètre crânien, l’interrogatoire et le carnet de santé vont permettre de guider l’enquête étiologique et de déterminer la gravité des vomissements.

1-1- Interrogatoire et carnet de santé
Ils précisent divers éléments.

1-1-1- Caractéristiques des vomissements
  l’âge de début : existence ou non d’un intervalle libre par rapport à la naissance ;
  l’horaire par rapport aux prise alimentaires ;
  la fréquence ;
  leur aspect : alimentaire, bilieux ou hémorragique ;
  leur type : émis avec ou sans effort, leur provocation par les changements de position ;
  le caractère douloureux ou non ;
  leur abondance : souvent majorée, difficile à apprécier. Les vomissements abondants s’accompagnent toujours d’une mauvaise prise pondérale, l’étude de la courbe pondérale peut donc être un bon élément d’orientation.

1-1-2- Alimentation
Il faut recueillir, surtout chez le nourrisson :
  le mode de préparation et de reconstitution des laits artificiels ;
  la quantité proposée et l’apport énergétique reçu ;
  le nombre de prises alimentaires ;
  la nature des aliments proposés depuis la naissance, avec leur date d’introduction dans le régime (protéines du lait de vache, gluten notamment) ;
  les éventuels changements diététiques pratiqués depuis l’apparition des symptômes.

1-1-3- Antécédents
Suivant l’âge de l’enfant, on s’attarde sur :
  une grossesse normale ou pathologique ;
  la période néonatale ;
  le développement staturo-pondéral et psychomoteur ;
  les examens cliniques antérieurs ;
  la prise de médicaments : vitamines D ou A, antibiotiques, digitaliques, théophylline…
  Antécédents familiaux (parents et collatéraux)

1-1-4- Association à d’autres symptômes
  diarrhée ou à l’inverse transit ralenti, rectorragies, douleurs abdominales ;
  contexte infectieux ;
  les vomissements, quelle que soit leur étiologie, peuvent être associés à des signes respiratoires ou cardiovasculaires, en particulier chez le nourrisson avant 3 mois et entraîner :
o une toux quinteuse persistante, essentiellement nocturne ;
o des bronchopneumopathies à répétition d’allure infectieuse mais anormalement fréquentes ;
o des images radiologiques anormales : atélectasies surtout à droite ;
o des épisodes d’apnée et/ou bradycardie et de cyanose chez le nouveau-né ;
o des malaises graves.

1-2- Examen clinique
1-2-1- Le retentissement clinique
Les vomissements, par leur abondance et leur caractère aigu, peuvent entraîner une déshydratation le plus souvent extracellulaire et hyponatrémique, avec alcalose hypochlorémique et hypokaliémique dans les cas graves.
La répétition des vomissements peut retentir sur l’état nutritionnel. Il faut rechercher un infléchissement ou une cassure de la courbe pondérale. Un véritable état de malnutrition peut plus rarement être observé, marqué par un retard pondéral supérieur à - 3DS, un rapport périmètre brachial/périmètre crânien inférieur à 0.2, une fonte du pannicule adipeux et une diminution des masses musculaires.

1-2-2- Les signes cliniques associés
  signes généraux : fièvre, altération de l’état général ;
  signes abdominaux : météorisme, sensibilité abdominale, défense, absence de bruit hydroaérique, sang au toucher rectal, hépatomégalie, splénomégalie ;
  signes neurologiques évocateurs d’hypertension intracrânienne ou de méningite ;
  signes ORL ou pulmonaires ;
  odeur acétonémique de l’haleine.

2- ETIOLOGIES

La pratique systématique d’examens complémentaires n’est pas justifiée. Les données cliniques permettent habituellement de préciser l’étiologies des vomissements, et chaque examen complémentaire sera demandé en fonction de l’orientation diagnostique. En pratique il faut distinguer les vomissements aigus des vomissements chroniques.

Les étiologies plus fréquentes sont indiquées en caractères gras.

2-1- VOMISSEMENTS AIGUS

2-1-1- Causes chirurgicales

Ce sont les moins fréquentes mais elles constituent des urgences et doivent donc être rapidement diagnostiquée.

L’examen abdominal peut être franchement anormal et orienter vers une urgence chirurgicale. Dans ce contexte, la radiographie de l’abdomen (ASP) est l’examen primordial : le syndrome occlusif, suspecté sur les vomissements bilieux, le météorisme abdominal et l’altération de l’état général, sera confirmé par la présence de niveaux liquides et de distension des anses.

• Occlusion hautes
  En période néonatale, elles sont malformatives dues à des sténoses, des atrésies congénitales ou à des anomalies de rotation.
  Chez le nourrisson, elles sont plus rares : hernies étranglées, bride chez un enfant déjà opéré, accidents occlusifs sur anomalies de rotation ou mésentère commun.
  Chez l’enfant plus grand, les causes sont superposables à celle du nourrisson.

• Tableau d’occlusion basse
Plus ou moins complet, faisant suite à un retard d’élimination du méconium ou une constipation précoce, il évoque la maladie de Hirschsprung à confirmer par un lavement opaque avec défécographie et une biopsie rectale. Les atrésies coliques sont peu fréquentes, de même que les pseuso-obstructions intestinales chroniques.

• Syndrome péritonéal
Il doit faire évoquer de principe une appendicite aiguë. Chez le nourrisson, le tableau est souvent atypique : diarrhée aiguë ou forme pseudoneurologique associant fièvre et troubles du comportement avec alternance de somnolence et de crises d’agitation.

• Douleurs abdominales paroxystiques
Des douleurs abdominales paroxystiques brutales, des rectorragies et une palpation abdominale montrant parfois soit une fosse iliaque droite déshabitée soit une masse évoquant un boudin, devront faire évoquer une invagination intestinale aiguë (IIA) qui est la première cause d’occlusion intestinale du nourrisson et du petit enfant. Il existe des formes trompeuses d’IIA, dites « neurologiques » avec hypotonie, aréactivité qui ne devront pas faire errer le diagnostic (en fait liées à un mode de réaction de type stuporeux du petit enfant à la douleur). L’ASP permettra souvent d’orienter le diagnostic en montrant une fosse iliaque droite deshabitée avec un intestin sous-jacent faiblement aéré. Elle sera confirmée par l’échographie abdominale puis le lavement opaque ou à l’air à faible pression qui permet la désinvagination dans environ 90% des cas. En cas d’échec le traitement sera chirurgical.

2-1-2- Cause médicales
Elles sont les plus fréquentes.

  Un facteur diététique doit être recherché systématiquement : erreur quantitative, qualitatives ou non respect des rythmes biologiques chez le nourrisson
  Devant des petits signes infectieux, il faut évoquer les infections communes qui constituent de loin les causes les plus fréquentes de vomissements, surtout chez le nourrisson :
• les infections de la sphère ORL : rhinopharyngites, sinusites, otites sans oublier le muguet buccal ;
• les infections respiratoires (habituellement d’origine virale) : pneumopathies ou bronchopneumopathies ;
• les infections digestives : diarrhées aiguës saisonnières, entérites à rotavirus et entérocolites bactériennes. Les hépatites aiguës du nourrisson et de l’enfant s’accompagnent habituellement de vomissements et de douleurs abdominales ;
• les infections urinaires : c’est une cause fréquente et mal connue de troubles digestifs chez le nourrisson : il faut avoir l’ECBU facile, à la recherche de cystites ou d’infections du haut appareil ;
• méningites : nettement moins courantes que les infections précédentes, elles peuvent se révéler par des vomissements en climat fébrile. Les signes méningés classiques sont souvent absents chez le petit nourrisson ; il faut donc pratiquer une ponction lombaire au moindre doute.
  Des signes neurologiques ou des troubles du comportement doivent faire évoquer une hypertension intracrânienne, surtout si les vomissements sont matinaux, en jet. Le fond d’œil est un bon moyen de dépistage. Une tomodensitométrie cérébrale sera réalisée à la recherche d’un hématome sous-dural ou d’une tumeur.
  Des vomissements associés à un tableau douloureux abdominal, peuvent révéler un ulcère gastrique ou duodénal, une gastrite, une pancréatite ou un purpura rhumatoïde (même en l’absence d’éruption cutanée).
  En l’absence de tout signe d’orientation : il faut penser à la possibilité d’une intoxication accidentelle médicamenteuse ou par des produits ménagers ou industriels.

VOMISSEMENTS ET FIEVRE
  Infections entérales ou autres : les vomissements ne sont souvent qu’un épiphénomène.
  Appendicite aiguë : plus souvent fébricule (≤ 38,5°C) que véritable fièvre sauf chez le nourrisson (rare) chez qui le tableau est souvent trompeur (fièvre élevée, diarrhée fébrile) et donc le diagnostic difficile et souvent retardé aux stade des complications (abcès, péritonite …).
  Pancréatite aiguë, purpura rhumatoïde : peuvent s’accompagner d’une hyperthermie généralement modérée.
  Une infection peut être responsable de la décompensation d’une maladie métabolique connue ou inconnue.

2-2- VOMISSEMENTS CHRONIQUES

En présence de vomissements habituels, des facteurs diététiques (suralimentation, jeûne prolongé) ou une infection chronique (ORL ou urinaire) sont rarement en cause. Il convient cependant de toujours les éliminer en premier lieu. La recherche d’une étiologie se conduit ensuite différemment en fonction de l’âge.

2-2-1- Chez le nouveau-né

 L’existence de vomissements bilieux chroniques peut révéler un obstacle organique malgré l’absence de symptomatologie occlusive évidente. Dans ce cas, une opacification radiologique prudente peut être utile pour rechercher une atrésie, une sténose du grêle, une anomalie de rotation ou un iléus méconial. Les troubles de la motricité intestinale rencontrés au cours des entérocolites aiguës néonatales, des pseudo-obstructions intestinales chroniques (très rares) et de la maladie de Hirschsprung, s’accompagnent de vomissements alimentaires et parfois bilieux.

 Des vomissements hémorragiques conduisent à indiquer une endoscopie oesogastroduodénale en urgence, qui retrouve habituellement un tableau d’oesogastrite ulcérohémorragique, des gastrites ulcérées ou pétéchiales, plus rarement un ulcère aigu gastrique ou duodénal.

 Un tableau de vomissements chroniques ou intermittents, associé à des troubles respiratoires (toux à répétition, bronchopneumopathies ou accidents de déglutition), doit faire évoquer les manifestations du reflux gastro-oesophagien en période néonatale. A cet âge, le reflux gastro-oesophagien peut également entraîner des signes neurologiques ou des accidents aigus, apparemment isolés ou associés à des vomissements : malaises, troubles du comportement, apnées et équivalent de mort subite. L’examen complémentaire de choix, devant ces symptômes, est la pH-métrie oesophagienne continue sur 24 heures. L’endoscopie révèle fréquemment, dans ces situations, l’existence d’une oesophagite. Le transit oesogastroduodénal apporte essentiellement des éléments morphologiques et anatomiques (malposition cardiotubérositaire, hernie hiatale).
 Une souffrance cérébrale pendant les premiers jours de vie s’accompagne très souvent de vomissements.

  Des troubles métaboliques peuvent se révéler en période néonatale par un syndrome émétisant. Ce sont des causes rares parmi lesquelles ont peut citer la galactosémie, l’intolérance héréditaire au fructose (hépatomégalie avec hypoglycémie), les anomalies du métabolisme des acides aminés, les hyperammoniémies, les déficit de la cétolyse et les anomalie de l’oxydation des acides gras.
  L’insuffisance surrénale primitive ou l’hyperplasie congénitale des surrénales (syndrome de Debré-fibiger) peuvent également se manifester par des vomissements, s’y associe une perte anormale de sodium et des troubles de l’hémodynamique.
  L’hypercalcémie peut être responsable de vomissements notamment dans le cadre d’hyperparathyroïdie.

2-2-2- Chez le nourrisson

 La survenue de vomissements chez un nourrisson de 3 semaines (entre 10 jours et 3 mois maximum), le plus souvent un garçon, après un intervalle libre asymptomatique, se majorant de jour en jour, avec un appétit conservé, doit faire évoquer une sténose hypertrophique du pylore, à fortiori s’ils s’accompagnent d’une cassure de la courbe pondérale. L’examen clinique (palpation de l’olive pylorique et visualisation d’ondulations péristaltiques), le cliché d’ASP (dilatation gastrique importante et grisaille en dessous et l’échographie (augmentation de volume du muscle pylorique) confirment le diagnostic. Le transit baryté gastroduodénal n’est pas indispensable au diagnostic et n’est réalisé qu’en l’absence d’échographiste entraîné ou en cas de doute. S’il est pratiqué, il objective un défilé pylorique rétréci et l’empreinte de l’olive pylorique sur la région antrale. Le traitement sera chirurgical après correction des désordres hydroélectrolytiques (déshydratation et alcalose) consistant en une pylorotomie extra muqueuse qui autorise la réalimentation dans les heures qui suivent la chirurgie.

 Les vomissements alimentaires répétés depuis la naissance aux changements de position, accompagnés de régurgitations, associés ou non à des bronchopneumopathies à répétition, évoquent l’existence d’un reflux gastro-oesophagien objectivé surtout par la pH-métrie , l’exploration étant complétée si nécessaire par un transit oesogastroduodénal et une endoscopie L’échographie, la scintigraphie et la manométrie oesophagiennes, beaucoup plus spécialisées, restent encore des examens d’indication limitée. Les vomissements hémorragiques révèlent habituellement une oesphagite peptique.

  Les vomissements peuvent s’intégrer dans le tableau d’une intolérance ou d’une allergie alimentaire : allergie aux protéines du lait de vache et maladie coeliaque (intolérance au gluten) sont les plus courantes, et seront évoquées en fonction de l’âge de l’enfant et de son alimentation. Apparemment isolés, ils peuvent révéler exceptionnellement un syndrome de perte de sel : hyperplasie congénitale des surrénales (syndrome de Debré-Fibiger).

2-2-3- Chez l’enfant plus grand

Les causes organiques sont moins fréquentes. Il convient cependant d’éliminer un ulcère, une tumeur cérébrale (fosse postérieure) ou un reflux gastro-oesophagien. Les causes fonctionnelles dominent. On retiendra :

 les vomissements acétonémiques ou syndrome des vomissements cycliques (vomissements périodiques avec cétose) : survenant souvent sans cause évidente ou après un jeûne ou une infection banale, ils entraînent une intolérance gastrique avec vomissements incoercibles. L’haleine est caractéristique, acétonémique ; la cétonémie et la cétonurie sont le reflet du déficit énergétique. Ces vomissements se répètent souvent pendant plusieurs années chez un même enfant. L’étiopathogénie de ce syndrome est discutée.

 Le mal des transports : extrêmement fréquent, il survient préférentiellement chez des enfants plutôt émotifs entre 3 et 12 ans.

 Enfin, le syndrome émétisant peut être un facteur révélant un conflit parents-enfant et le témoin de manifestations psychologiques ou de phénomènes de conversion somatique. Ce diagnostic ne doit être retenu qu’après avoir éliminé formellement une cause organique.

QUELQUES REPERES
• Les vomissements bilieux témoignent d’une étiologie chirurgicale jusqu’à preuve du contraire.
• La constipation n’est pas une cause habituelle de vomissements.
• Les vomissements sont responsables d’une alcalose métabolique : ! ! si acidose et absence de diarrhée.
• Les vomissements psychogènes doivent demeurer un diagnostic d’élimination.

En pratique
Il faut se souvenir que toutes les affections aiguës ou chroniques entraînent des vomissements chez le nourrisson. Bien que le nombre d’étiologies à évoquer soit très élevé, on retiendra, après un bon interrogatoire et un examen clinique soigneux, que les causes les plus fréquentes sont , dans l’ordre décroissant : les erreurs diététiques, les infections communes du nourrisson, le reflux gastrooesophagien et la sténose hypertrophique du pylore. Les urgences chirurgicales, plus rares, en particulier l’invagination intestinale aiguë, doivent cependant être éliminées par une hospitalisation et/ou des examens complémentaires au moindre doute.
Chez l’enfant plus grand, les infections digestives et les cause psychogènes dominent.